C'était la première fois que je participais à un Tournoi de Duels. Je m'étais déjà battu, c'était certain, mais jamais dans un cadre si officiel. Et je n'aurais pas eu envie de le faire, si je ne l'avais pas vue. Rosaleen McCardle. Ses airs de princesse. Et surtout... sa chevelure rousse. C'était plus que je ne pouvais supporter. Pour qui elle se prenait, celle-ci, à débarquer à Durmstrang, et à imposer son orange carotte à tous les russes ?

Non, c'était insupportable. Alors je décidais de m'avancer sur la scène, poussant au passage le véritable adversaire de Rosaleen, qui se tenait désormais devant moi. La vue de sa rousseur me brûlait les yeux. « Hello, ginger. » Regard noir. « Good luck. »

Tandis que nous prenions place, nous brandissions nos baguettes et je continuais à fixer Rosaleen (dans les yeux, parce que les cheveux, c'était la défaite à coup sûr). Et au coup de canon, comme je n'étais pas galant, c'était moi qui commençais. « Bombarda !! » Prends toi ça, la rousse ! De quoi faire exploser la tignasse...

La vie, la mort... On peut basculer de l'un à l'autre en un instant, si tant est que notre adversaire décide d'écourter notre vie qu'il juge misérable. De tous temps, les hommes avaient eu entre leurs mains le pouvoir de tuer. Sorciers ou moldus, tous étaient physiquement et moralement capables d'assassiner, d'ôter la vie. Nous, sorciers, possédions depuis toujours des baguettes dont une simple formule et un peu de détermination suffisait à donner la mort. Eux, moldus, avaient inventé les armes à feu, les épées, les couteaux, le poison. C'est fou ce que les humains peuvent être inventifs lorsqu'il s'agit de mort. Déjà qu'ils s'imaginent tout un monde post-mortem, encore faut-il qu'ils tentent d'accélérer le processus... Comme si la vie n'était pas déjà assez courte.

Elle était là, prête à assouvir mes pulsions. Tester ses limites, poser ses orteils sur la ligne, voir ses possibilités, jusqu'où on est capable d'aller. C'est effrayant, c'est excitant, c'est terrifiant. L'adrénaline est là, elle monte, elle prend à la gorge, contrôle les mouvements, c'est elle qui tient la baguette. C'est elle qui formule les paroles, c'est elle qui lance les sortilèges. Ensuite, on se relève d'une transe avec de vagues souvenirs, un vague sentiment qui nous habite sans qu'on sache vraiment pourquoi. Les minutes, les heures, les jours, les années qui suivent, les souvenirs reviennent avec précision, et l'on est malade de nos propres gestes. Ca nous hante à jamais, ça nous prend aux tripes à la moindre odeur familière, comme si ce n'était qu'hier. Comme si hier encore, on était quelqu'un de bien. Comme si tout avait basculé sans préavis.

Puis soudain, on la bouscula, et je vis le visage de la haine s’avancer vers moi et prendre place dans l’arène, comme s’il avait un compte à régler avec moi. Pourtant, je ne le connaissais ni d’Eve, ni d’Adam, et son comportement eut le luxe de me déstabiliser. Il était déterminé, haineux, effrayant. Mais jamais je ne lui ferais le plaisir de lui montrer ma peur. Aussi, je levais ma baguette, fixais ses yeux tandis qu’il fouillait les miens et me lançais d’un ton condescendant « Good luck, ginger. » Sa remarque eut le don de m’énerver, et je me résolus à le tuer sans attendre. Manque de chance, il entama le duel promptement, sans me laisser le temps de riposter. Le bombarda risqua de m’atteindre, mais j’eus la présence d’esprit de me jeter vers la droite, aussi loin que possible des éclats. Pourtant, un morceau de bois vint s’enfoncer au-dessus de mon œil. Sans lui laisser le temps de lancer un nouveau sort, je pointais ma baguette vers lui et lançais « Confundus ! »

Le sortilège avait atteint sa cible, à mon grand soulagement. Le sourire cruel s'effaça de son visage, n'y laissant que confusion et désarroi. Je jubilais, même si ce sort m'avait quelque peu affaiblie. Profitant des effets du maléfice, je me préparais à contre-attaquer avec rage, la rage de celle qui veut à tout prix gagner. Mes yeux flamboyait de leur vert étincelant tandis que ceux de ma victime se voilaient à cause de l'attaque. Histoire de pimenter un peu les choses (dont le parquet sous nos pieds), je lançais promptement un sortilège de crache limaces droit sur Cadeyrn. Il était certain qu'il ne le verrait pas venir. Peut-être allait-il même se jeter dessus comme s'il fut s'agit d'un paquet de confiseries ?

Je vis le maléfice le heurter en plein poitrine. Je visais très mal d'ordinaire, c'était là un aspect des sorciers que l'on ne donnait pas souvent. En effet, les baguettes à viseur sont rares de nos jours, aussi la mienne n'en était pas équipée.